Les Aventures de Didier

Les Aventures de Didier


Introduction

Castor le pollux apparut sur une monture du plus bel effet.
Didier était en train de faire un feu de camps.
- Tu es plutôt sandale ou pantoufle ? demanda Castor sans plus attendre.
- Euh ?
Didier n'avait pas bien compris...
- Ben quoi, je te demande si tu es plutôt sandale ou pantoufle, insista Castor.
- Pas vraiment, riposta Didier.
Les choses étaient maintenant plus équilibrées. Castor avait sa monture, mais Didier commençait à se transformer en enclume.
- Attention je vais invoquer Jacques Chirac
Castor s'accomplit : un nuage de fumée apparut et quand il disparut, on entendit un "kikou" atmosphérique. Transformé en enclume, Didier était dans l'incapacité de faire le moindre commentaire.
- Bon, à demain, dit Castor comme si c'était difficilement probable.
- On verra bien,



Chapitre 1

C'était une soirée comme les autres pour un Réveillon.
Un verre à la main, Didier s'appuyait contre un mur. Il tenait de source sûre que c'était le 31 décembre ; mais, pour une raison obscure, il n'arrivait pas à s'en convaincre totalement. Quoiqu'il en soit, les festivités allaient bon train, et les convives arboraient tous un sourire satisfait.
Peu de temps (un quart d'heure ?) après, la maîtresse de maison invita tout le monde à se tenir devant le canapé pour prendre une photo souvenir. Didier s'exécuta, se retrouvant légèrement excentré sur la droite par rapport au groupe. Leur hôte brandissait un polaroïd comme il en pulullait autrefois ; quelques secondes plus tard, c'était fait. Chaude et humide, la photo s'extirpa des entrailles de l'appareil.
Curieux, Didier s'approcha et observa le résultat. Il...
... en eut le souffle coupé.
"Non, ce n'est pas possible", murmura-t-il.
Il jeta un bref coup d'oeil sur son verre, à moitié rempli ; puis il ferma les yeux en se pincant le haut du nez.
Trois battements de coeur plus tard, Didier se décida à regarder de nouveau la photo.
Il se pencha et constata pour la deuxième fois l'inconstatable.
Sur le cliché, à la place où il se tenait il y a encore une vingtaine de secondes, se trouvait une tortue.
"Marie-Charlotte ? demanda-t-il, inquiet.
- Oui, Didier ? répondit la maîtresse de maison. Qu'y-a-t-il, mon ami ?"
Il hésita une seconde.
"Comment se fait-il que... Euh... Sur la photo... Là où j'étais... Je veux dire... Mais, que se passe-t-il ?"
Marie-Charlotte Ricard parcouru la photo des yeux, et haussa les sourcils d'un mouvement machinal.
"Je ne vois rien d'anormal, certifia-t-elle.
- Mais la tor..."
Il se tut. C'était une idée insoutenable.
"Excusez-moi", bredouilla-t-il en fuyant du salon, le cliché à la main.
Une fois réfugié dans la lumière crue de la cuisine, il regarda une troisième fois la photo fatidique.
C'était bien réel.
"On ne m'aurait tout de même pas caché ça !" s'exclama Didier en lançant un poing fragile vers le frigo, qui protesta aussitôt en se mettant en marche.
C'était physiquement impossible : à l'instant présent, Didier tenait encore son verre à la main ; or, sur la photo, la tortue (non pas une petite tortue, plutôt une tortue géante, dont le long cou propulsait le visage inexpressif jusqu'à la hauteur des cuisses des invités) ne tenait strictement rien à travers... hum... à travers ses pattes indéfinies...
Et Didier était bel et bien sûr de le tenir, ce verre.
Ouvrant grand la fenêtre, Didier plongea son regard dans la nuit noire et se résolut enfin à se poser la question absolument terrible :
"Est-ce que... je serais une tortue ?"

A suivre...


EPISODE 2

Ce que Didier faisait enfonçé dans ce marécage, il n'aurait su le dire. Il y a encore quelques minutes, il réveillonnait chez Marie-Charlotte Ricard et découvrait grâce à une photo qu'il était en fait une tortue.
"Chaque chose en son temps", songea Didier. Il fallait sortir de là. Et vite.

Vingt-trois heures plus tard, il s'extirpait enfin du marécage malodorant, gouverné par une impériale envie de pisser. Il fit quelques pas et tenta de se cacher derrière un arbre ; peine perdu, car il finit par se faire pipi dessus.
"Nom de dieu", pesta Didier, "vingt-deux heures de résistance pour finalement craquer maintenant : ce genre de chose, ça me fout en l'..."
Il n'aura jamais le temps de terminer cette phrase.
D'un seul coup, tandis que retentissait un bruit d'explosion nucléaire, Jacques Chirac et Lionel Jospin surgirent des fourrés et se jetèrent sur lui, alors qu'il était encore pantalon baissé. Terrorisé, Didier tenta de se relever, mais il entendit la voix de Chirac lui crier :
"Didier ! Attention au plasma !"
Une vague d'énergie pure, suspendue à un mètre du sol, traversa la jungle en sectionnant méthodiquement chaque marronnier.
"Nom de dieu de nom de dieu de nom de dieu de nom de dieu", s'écria Didier, les yeux révulsés devant un tel spectacle d'apocalypse.
Quatre ou cinq secondes plus tard, c'était fini.
Jacques Chirac et Lionel Jospin se relevèrent, et Didier fit de même. Il fut surpris de constater qu'il les connaissait.
"Salut Didier, dit Jacques.
- Salut Chirac. Euh..."
Lionel contempla le paysage alentour et décida qu'il était temps d'y aller.
"Il est temps d'y aller, je crois vraiment qu'il est temps d'y aller"
Ils y allèrent. Didier ne comprenait rien.
Après quelques minutes de marche, ils firent une halte près d'un palmier. Chirac sortit un polaroid et prit Didier en photo tandis que Jospin lui tendait une gourde pleine d'eau. Didier but à grosses goulées, guettant la sortie de la photo du coin de l'oeil. Lorsqu'elle s'extirpa des entrailles chaudes de l'appareil, Didier posa la gourde puis s'approcha.
Il regarda le cliché par dessus l'épaule de Chirac.
"Nom de dieu", s'exclama Didier une nouvelle fois.
"Ce n'est pas possible", pensa-t-il. "Il y a un trucage. Je ne peux pas... Je ne suis pas..."
Et pourtant. Sur la photo, on voyait clairement Jospin tendre la gourde à une tortue de mer. Cette dernière levait mollement sa grosse pate pour s'en emparer, avec un air remarquablement niais.
Didier tendit la photo vers Chirac, furieux.
"Comment explique-tu ça !? explosa-t-il.
Jacques regarda la photo, surpris.
"Expliquer quoi ? demanda-t-il.
- Ainsi parlait Zarathoustra, dit Lionel.
-Aaaaaaaaargh"

Monde qui tourne avant de disparaître en fumée, puis travelling vers l'ouest. Fuite. Abandon. Désespoir. Puis lente plongée dans un néant vide de sens tandis que retentit l'hymne à la joie de Benjamin Péret.

Suis-je une tortue ?
Après tout... depuis combien temps ne me suis-je pas vu derrière un vrai miroir ?
Trois, quatre ans. Peut-être cinq.
Un métabolisme, c'est fait pour changer. Mais quand même... bon sang, c'est trop gros. On m'en aurait parlé. Bon dieu, on m'aurait au moins fait un petit commentaire !!!

Staline a écrit:Dans la folle spirale de l'univers, les oiseaux s'envolaient...

FIN DE L'EPISODE



EPISODE 3 : Un drôle de cactus

Le lendemain, Didier se réveilla comme d'habitude avec le bras de Jospin autour de cou. Il le retira délicatement, se leva et enfila une petite laine. Autour d'eux, le désert s'étendait à perte de vue.
Didier alla pisser sur le cactus le plus proche, ce qui eut pour effet surprenant de faire pousser le cactus a une vitesse record : quelques secondes seulement plus tard, le haut du cactus disparaissait dans le ciel !
"Chirac ! Jospin !" hêla-t-il. "Venez donc voir ça, les amis !"
Jospin se réveilla immédiatement en poussant un cri de guerre, mais Chirac demeura muet comme une carpe. Et...
... et cela n'était guère étonnant, au fond, car Didier constata avec effroi que Chirac s'était transformé en poisson. En hareng, pour être précis. Le petit corps écailleux ne dépassait même pas de l'oreiller qui était encore, la veille, celui du Président de la République Française...
"Chirac ! Chirac ! Chiraaaaaaaaaaaac !!!! hurla Didier.
- Chirac, dit Jospin.
- Oui ? demanda Chirac.
- Rien, fit Jospin.
- Oh, vous avez fait pousser un cactus", remarqua Chirac avec un sourire.
Après plusieurs heures de polémique, il fut convenu d'explorer ce cactus. Didier mit Chirac dans son sac-à-dos et commença l'escalade. Jospin fermait la marche, en arrière garde, car il était le seul à avoir une épée (de mousquetaire).
De nombreuses heures plus tard, il atteignirent le sommet du cactus. Emoussés par une telle escalade, nos amis décidèrent qu'ils méritaient une petite collation, et ils s'y attelèrent immédiatement. Didier alluma un feu de camps par dessus lequel il fit cuir une soupe miso. Jospin mangeait du poisson.
Le ciel était bleu, ils mangeaient à la belle étoile, et Didier était définitivement convaincu de ne pas être une tortue de mer. Bref, tout allait bien. Jusqu'à ce que, soudain, le visage de Jospin vire au rouge tomate.
"Bon sang, fit Jospin. Je crois que je viens de manger Chirac"
Didier bondit de sa chaise et courut vers le sac à dos, qui traînait quelques mètres au loin. Vide. Il en fut catastrophé.
"C'est vraiment dommage, dit-il. Je crois que c'était quelqu'un de bien.
- Oui, dit Jospin. De bien... et de vraiment bon"

Le lendemain, ils trouvèrent Chirac, d'apparence humaine, dans le sac de couchage. Ils déjeunèrent prestement car aujourd'hui il fallait faire le trajet inverse jusqu'au sol.
"J'ai hâte de revoir Martine", dit Chirac.
Mais, juste au moment où ils s'apprêtaient à lancer la corde de rappel, une voix les interpella : "Hé ho !"
Ils se retournèrent et découvrirent un individu.
"Salut, dit le mystérieux inconnu, je ne vous veux aucun mal. Quel chaleur au sommet de ce cactus ! Au fait, je m'appelle F.
- Il ne nous veut aucun mal et il insiste pour qu'on l'appelle F, traduisit Chirac.
- Ca fait longtemps que vous êtes arrivés ? demanda F.
- Il demande si ça fait longtemps qu'on est arrivé, traduisit Chirac. Pour ma part, je ne saurais même pas le dire avec certitude.
- Dis lui qu'on n'est arrivé hier soir et qu'on repart tout de suite, dit Jospin.
- On repart tout de suite, traduisit Chirac à destination de F.
- Oh, très bien. Je vais vous montrer un raccourci, dans ce cas-là ; je connais le cactus comme ma poche.
- Il dit qu'il va nous montrer le cactus parce qu'il connaît le raccourci comme sa poche, traduisit Chirac.
- Okay let's go" abrégea Didier.

Après plusieurs jours de marche, Didier se félicitait d'avoir fait la rencontre de F : il connaissait vraiment bien le cactus. Sans lui, ils se seraient perdu depuis longtemps. Toutefois, F arborait un visage stressé.
"Cette nuit j'ai rêvé que je me transformais en tortue de mer", dit-il.
Le coeur de Didier bondit dans sa poitrine. Mais il n'osa prendre la parole.

C'est finalement un mois plus tard que nos amis arrivèrent au niveau du sol. Il était temps, car Didier avait oublié d'éteindre le feu de camps au sommet et le cactus s'était transformé en gigantesque brasier. Chirac sauta avant les autres et se cassa la jambe. Pour fêter ça, Jospin les emmenèrent tous boire un verre à la taverne la plus proche. Didier commanda une vodka au whisky, Chirac une grenadine, Jospin un tremblement de terre et F un cocktail molotov.
Par chance, Didier fut servi le premier. Très vite sa vodka fit effet sur de lui quiChirac demain tangue tangue

Quand Didier rouvrit les yeux, Chirac venait de recevoir sa grenadine et les autres n'étaient toujours pas servi, au grand dam de Jospin.
"Alors, ça arrive, oui ou merde ?! aboya Jospin.
- Oui oui, tout de suite, désolée", répondit la serveuse depuis les cuisines.
Aussitôt après, un tremblement de terre de force 9 sur l'échelle de Richter se déclencha dans toute la ville. Vu du ciel, le spectacle était sublime : mais tout ce Didier vit, ce fut le lustre principal lui tomber en plein sur le nez. Quelques instants plus tard arrivait le cocktail molotov commandé par F, qui en fut tué.

Puis, le noir.


FIN DE L'EPISODE